Les déjeuners d'Imad Lahoud
Mercredi, face au tribunal, il s’est décrit comme un simple exécutant. Le mathématicien a toutefois dû reconnaître qu’il connaissait beaucoup de monde : il occupait alors un poste important à EADS, et son épouse, énarque, a fait partie de plusieurs cabinets ministériels. Un document inédit, dont le JDD a pu prendre connaissance, atteste de la surface sociale de Lahoud à l’époque de la machination Clearstream. Il s’agit d’un tableau de quatre pages, daté du 1er février 2008 et adressé aux juges d’Huy et Pons, sur lequel les policiers de la Division nationale des investigations financières (DNIF) ont recensé les frais de réception et de restauration remboursés à Lahoud par EADS en 2004 et 2005. Un véritable Bottin mondain…
D’après ce document, Imad Lahoud a déjeuné quinze fois avec son ami François Pérol entre février 2004 et juillet 2005, alors que celui-ci était directeur adjoint de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Economie, avec une préférence pour Le Bistrot d’à côté, une bonne table du 17e arrondissement. On trouve aussi des repas avec Gilles Grapinet, conseiller de Jean-Pierre Raffarin à Matignon puis directeur de cabinet du ministre de l’Economie Thierry Breton. Le 25 février 2004, à l’époque où s’opère le truquage des listings, Lahoud organise une réception – réglée 1200 euros à un traiteur libanais du 16e arrondissement – avec François Pérol, Gilles Grapinet et un nom qui semble être celui de Michel Piloquet, ancien voisin proche de Lahoud qui a épousé la belle-sœur de Dominique de Villepin…
NKM, Bertrand, Zemmour...
Le 5 mai 2005, alors que l’enquête des juges a déjà démarré depuis un an, Lahoud invite chez L’Ami Jean le secrétaire d’Etat Eric Woerth. Sa directrice de cabinet, Anne-Gabrielle Heilbronner, n’est autre que l’épouse de Lahoud. Deux autres repas font apparaître le nom de Jean-Pierre Philippe, un ancien d’EADS qui est le mari de Nathalie Kosciusko-Morizet. NKM elle-même apparaît aussi, avec Pérol et Grapinet, le 13 juillet 2005, lors d’une réception réglée 885 euros au même traiteur libanais.
Du côté des "services", on trouve des agapes avec des membres de la DST et des Renseignements généraux (RG). Deux noms d’anciens policiers des RG sont déjà apparus au cours de l’enquête: feu François Casanova, alors proche de Bernard Squarcini, l’actuel patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), et Brigitte Henri, une proche d’Yves Bertrand, l’ancien patron des RG, réputé ultrachiraquien. D’autres repas font apparaître les noms de responsables du complexe militaro-industriel, ainsi que des militaires, et enfin des journalistes, dont Eric Zemmour du Figaro.
La semaine prochaine, plusieurs avocats comptent bien questionner Lahoud sur ses fameux repas. Avec une arrière-pensée chez certains : et si Lahoud, loin d’être une simple petite main, avait eu suffisamment de connaissances pour glaner lui-même les noms des personnalités qui ont ensuite été rajoutés sur les listings Clearstream? "Parmi celles-ci, on trouve plusieurs ennemis de Jean-Louis Gergorin, mais aussi quelques-uns de Lahoud", remarque un avocat du dossier. A moins que l’informaticien ait aussi inventé les noms de ses invités…
Source: le JDD