Quelques extraits de l’émission Bibliothèque Médicis :

Publié le par L'équipe du Blog

DDV : J’ai terminé les quatre volumes (sur Napoléon) en 2002 (…) En ce moment je continue. J’ai terminé un petit ouvrage qui est une sorte de journal de Matignon et là j’écris un livre sur les mots et la peur qui est un dialogue à travers la poésie et la littérature contemporaine (…) Je pars du principe que la peur c’est la grande énigme parce qu’elle est omniprésente et personne n’en parle jamais ; en politique c’est le principal acteur. C’est ce qui fait bouger les hommes (…) la peur ce n’est pas la trouille, c’est extrêmement différent. La peur c’est un élément incontournable de toute création et la politique est une création (...)

Jean-Claude Casanova (en référence au fait que DDV est écrivain-historien) : La France a déjà été gouvernée par des historiens de Napoléon. Thiers a été le grand historien de Napoléon au XIXème siècle. Il a gouverné la France assez longtemps, donc il y a un grand avenir devant Dominique de Villepin !
 
Thierry Lentz (sur la question de la peur) : Je considère justement que c’est probablement parce que la peur l’a quitté que Napoléon va vers l’abîme.
 
DDV : L’ivresse remplace la peur !
 
DDV (sur les contre-pouvoirs) : Les contre-pouvoirs ce sont des garde-fous pour le pouvoir. Le pouvoir a besoin, dans le dialogue qu’il a avec lui-même d’être épaulé, appuyé.
 
JPE : C’est drôle ; vous vous considérez aujourd’hui comme un garde-fou, vous ?
 
DDV : Je pense que le fait d’avoir des consciences critiques, d’avoir des personnalités  qui ont de l’expérience et qui peuvent porter un avis c’est très utile. C’est vrai pour la politique internationale. C’est vrai pour la politique intérieure. Vous savez, un pouvoir qui n’est pas stimulé n’est jamais qu’un pouvoir médiocre (…) Dans le jeu démocratique chacun a une conscience et chacun a son mot à dire et le pouvoir est toujours grandi d’accepter, voire d’encourager la critique! Dans les grandes périodes de notre histoire ce sont bien ces moments là où  il y a des hommes divers qui apportent leur vision, qui apportent leurs propositions et qui grandissent l’action politique.
 
JPE : vous vous accrochiez souvent avec le Président Chirac ?
 
DDV : Oui. Oui, j’avais des débats très forts et j’étais très souvent pas d’accord avec le Président Chirac et le fait d’en parler nous conduisait parfois à prendre des décisions qui étaient infléchies par rapport à (?) (Nous n’avons pas réussi à saisir le mot qui suit, alors avis aux amateurs, ce passage se situe à 10’43).
 
JPE : Est-ce que c’est un danger qui guette ? Est-ce qu’on est grisé ; qu’on prend tous les autres pour des imbéciles quand on est à l’Elysée, à Matignon, aux Affaires étrangères ?
 
DDV : Non, je pense qu’il n’y a aucune fatalité à cela. Quand on est dans l’action c’est un risque qui n’arrive pas. Dans l’immobilisme du pouvoir c’est vrai qu’on peut avoir tendance à voir les choses de façon totalement faussée. Mais l’action c’est le meilleur remède à tout cela, l’action et le résultat. Quand on se confronte tous les jours aux difficultés, on est invités plutôt à l’humilité…
 
DDV : (…) Je pense que le fil de la Liberté c’est le fil cassé, c’est le maillon manquant. Au sein de la France contemporaine, moderne et dans la relation entre les pouvoirs et dans la relation entre la société et les pouvoirs, il faut réinventer cet esprit de liberté (…)
 
Anka Muhlstein : C’est également ce que dit Chateaubriant. Chateaubriant dit : ce qu’il manque c’est la liberté. Les Français ne sont pas intéressés par la liberté. Ils sont intéressés par l’égalité.
 
Jean-Claude Casanova : il y a un vrai vainqueur, si vous voulez, un seul vrai vainqueur qui est le monde anglo-saxon. C’est-à-dire que la succession de la guerre de 7 ans, de 1815 et ensuite l’Angleterre devient la première puissance mondiale. Ce que ni la démographie ni sa position n’impliquaient. Elle est en même temps la principale puissance libérale puisqu’elle a brisé la Révolution française et ensuite elle passe le flambeau aux Etats-Unis. Le vrai vainqueur historique, si on est sur les 2-3 siècles, c’est ni la Russie, ni l’Allemagne, ni la France, mais c’est la Grande-Bretagne et le monde anglo-saxon.
 
 
DDV : C’est d’ailleurs une des grandes caractéristiques du pouvoir, c’est qu’il y a peu de gens pour rapporter la vérité des choses. Par contre, on sait tout quelques années plus tard (…) Le pouvoir est incapable de finalement se raconter en direct (…) Je pense que Jacques Chirac est sans doute le Président de la République qui, dans son rapport aux médias, a le moins pesé sur les médias, qui a été le plus soucieux de les laisser libres (…) Il n’y a pas eu de cour car c’est un homme qui refuse la cour, qu’elle soit médiatique, qu’elle soit industrielle, qu’elle soit financière ; c’est un homme qui n’a pas le goût de ça.
 
 
JPE : Pourquoi on prétend l’adapter (le Bonapartisme) à la situation actuelle du pays ?
 
DDV : C’est un contresens. C’est un contresens parce que le Bonapartisme c’est une synthèse et Thiery Lentz a raison, de ce point de vue là, ce n’est pas une rupture. C’est vraiment une synthèse. (…) C’est bien essayer de rapprocher, de réconcilier et de remettre en mouvement la France ; je ne crois pas du tout qu’on soit dans cette situation politique.
 
Jean-Claude Casanova : Napoléon est centriste. Il y a une formule très célèbre de lui. Il dit je ne suis ni talon rouge, c’est-à-dire qu’il n’est pas aristocrate, ni bonnet rouge, c’est-à-dire qu’il condamne la terreur et il ajoute « je suis national », c’est-à-dire qu’il fait la synthèse.
 
JPE : D’ailleurs vous dites, vous l’admirez en disant: « je me sers de tous ceux qui ont la capacité et la volonté de marcher avec moi ». Là vous l’admirez mais vous le reprochez à Nicolas Sarkozy.
 
DDV : ce n’est pas du tout pareil. La politique d’ouverture n’a rien à voir. Ne confondons pas les choses. Il y a une politique qui consiste à essayer de prendre des hommes pour les utiliser, et il y a la politique de Napoléon qui consiste à prendre les meilleurs pour les mettre auprès de soi, même s’il sait qu’ils peuvent être des rivaux. Ce sont deux stratégies différentes. Talleyrand et Fouché travaillent avec Napoléon. Où sont les Talleyrand et les Fouché dans le gouvernement actuel ?
 
DDV : (…) Je n’attaque pas. Dans un pays de cour émettre une idée c’est une attaque. Alors si émettre une idée, aujourd’hui, c’est une attaque eh bien, je suis un attaquant.
 
 
JPE : Comment on gère la peur quand on est au pouvoir ?
 
DDV : Je pense que la grande clé pour celui qui, à un moment donné, a une mission, c’est de s’oublier. C’est-à-dire de ne pas considérer que son destin personnel est l’essentiel. L’essentiel c’est la mission, c’est le résultat et c’est le service des Français. C’est pour cela que j’ai toujours pensé que dans l’action politique il y a une part de sacrifice.
 
(…)
 
Jean-Claude Casanova : (…) Il y a un malheur historique : les Français ne sont pas tout à fait réconciliés avec leur histoire. Ils ont une grande difficulté. Aujourd’hui toute célébration historique poserait problème, le Second-Empire, la Monarchie, la Guerre de Vendée, tout pose problème et donc il y a un problème assez grave de l’identité française que vous n’avez pas en Grande Bretagne…
 
(…)
 

Publié dans Dominique de Villepin

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article